Dans ma réclusion perpétuelle, le temps prisonnier des murs pèse autant qu'une montagne qui 
s'égrène. Les heures deviennent des pierres, les minutes des gouffres, les 
instants des rochers.
Tandis que les secondes, invariablement, demeurent des miettes : juste des 
particules incolores qui se succèdent. Tantôt elles sont faites d'un présent qui 
compte, tantôt elles ne sont rien du tout. Soit elles passent et se brisent dans 
l'air telles des bulles de mort, soit elles stagnent, s'attardent, s'éternisent 
stérilement devant moi, sans but ni aucun sens.
Et une journée est pareille à une autre : aussi énorme que dérisoire.
Chronos fait de grandes enjambées et des bonds immenses dans un ralenti qui 
n'en finit pas, et tout se meut au rythme déprimant d'une irréelle 
lenteur.
Et j'attends.
Je reste sur place, ne pouvant faire autrement, à contempler la durée des 
choses. Je me laisse progressivement emporter par le vide. Là, paradoxalement, 
lorsque je rejoins cette forme de néant, je me retrouve loin de ma cellule, hors 
des pesanteurs qui m'entourent et m'affligent tant. J'oublie mieux tout ce qui 
remplit mon existence de plomb et de ténèbres.
Je flotte dans un espace désempli, comme si j'avais des ailes. 
Durant ces moments précis je n'ai volontairement plus de tête pour y faire 
tourner mes pensées en rond et souffrir inutilement : je la remplace par une 
cervelle d'oiseau, ce qui enlève toutes les épines de mon âme et me donne même 
de la plume.
Absent à tout, je suis alors aussi léger qu'une brute qui ne pense plus.
 
