Importuns qui seriez tentés de venir verser vos larmes au bord de mon lit d’agonie, sachez que je désire trépasser peinard.
Loin des emmerdeurs, je veux rendre mon âme au Ciel.
Solitaire jusqu’au bout, je souhaite monter aux étoiles sans devoir descendre de mon piédestal d’esthète.
Vous les vivants bien intentionnés mais mortellement ennuyeux, épargnez-moi vos ultimes pesanteurs ! Que mon dernier jour soit léger comme l’aurore et aussi gai que les songes d’un clown.
Ne me bassinez pas avec vos regrets et réconforts adressés à voix basses, gardez vos jérémiades pour vos prochains échecs au LOTO ou vos gains de feuilles d’impôt.
Par pitié, laissez-moi crever seul.
Seul comme un roi que je suis, bande de mortadelle que vous êtes !
Oui je veux mourir entre quatre murs avec rien que moi autour. Les yeux fixés sur la tapisserie. Amis, nul besoin de votre compagnie pour m’envoler loin d’ici. D’ailleurs moins il y a de veilleurs, moins on pleure ! N’avez-vous donc jamais pensé à faire mourir de rire les alités que vous visitez au lieu de les frigorifier avec vos mines solennelles, vos airs compassés ? Egoïstes !
Mourir en paix, c’est le luxe des vrais seigneurs. Je veux être seul avec mon âme, mon âme qui sera nue comme un ver, ce ver qui se dresse vers les astres... Tout ce qui meurt aspire aux hauteurs, alors ne venez pas me faire chier avec vos pieux auteurs !
Au bord du gouffre tout cela ne vaut plus rien. Il ne reste que la vérité du frisson -d’aise ou de terreur- de celui qui se sent sombrer.
Le vrai réconfort de la dernière heure c’est le silence et l’isolement, croyez-moi !
Quand vous me saurez malade et entendrez frémir le glas, ne vous pressez pas pour me rendre visite : à l’orée de ma mort je ne serai pas en mesure de bien vous recevoir.
Et pour ceux enfin qui ne comprennent toujours pas, faut-il que je vous le dise en chinois ?
Au jour d’avaler mon carnet de naissance, remballez vos cierges, Bibles et onctions funèbres, et foutez-moi la paix nom de Dieu !