Elle me fixait en pleine nuit.
Vêtue de blanc, aussi anémique qu'une moribonde, elle semblait gémir sans rien
dire sous les étoiles. En effet, pas un son ne sortait des lèvres de cette dame
étrange.
Impressionné par l'intruse, je n'osais lui adresser la parole. Tout en elle
paraissait irréel, onirique, mystérieux. Avec ses contours diffus, elle
ressemblait à une longue statue de sel au bord du chemin.
La mélancolie qui émanait de sa personne était telle que le paysage
nocturne entier s'en imprégnait. Et tout autour de moi devenait comme un décor
lunaire triste, doux, froid et beau.
Comme si je m'étais retrouvé dans un théâtre où l'imaginaire se confond
soudain avec la réalité. Une sorte de rêve grandeur nature où l'image sort du
miroir et s'incarne.
Bref, je me sentais dans un monde certes flatteur mais trompeur, factice,
où pour se divertir à mes dépens la farce voulut prendre les apparences de la
gravité.
Si bien que je soupçonnais d'être en présence d'une simple comédienne
excentrique jouant je ne sais quel rôle grotesque et déréglé. Ou d'une folle
tout court. Voire d'une dormeuse en pleine crise de somnambulisme égarée sur la
route.
En m'approchant de l'apparition je constatai que sa face n'était point
fardée. Son teint d'inhumée trahissait l'authentique visage de la mort. Et son
regard reflétait l'infini ennui d'une existence vouée à la solitude, au silence
et à la méditation, dans un univers de désolation.
En la voyant ainsi mi-pierre, mi-cadavre, je devinai que j'eus affaire à
Madame la Lune, c'est-à-dire à l'âme du satellite, ou un éclat de sa lumière,
venue sur Terre chercher un peu de réconfort.
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