Lorsque le feu du ciel mêlé des flots de l'enfer s'abattent sur Clinchamp,
c'est la fête dans les champs. La nue noire et tourmentée illumine alors la
campagne de ses gerbes d'or et enchante l'atmosphère électrique de ses tambours
oniriques...
Vivants et morts se réveillent enfin sous l'onde régénératrice et le fracas
festif. Hommes et vaches respirent l'air plein de flammes et de joie, les fossés
se remplissent de clarté, les chemins débordent d'espoir et les bois s'abreuvent
d'avenir radieux. Les rafales d'eau et les coups de tonnerre font se relever
tout ce qui est gisant et assoupi.
Bref tout renaît dans cet univers endormi quand l'intempérie arrose les
têtes et les toits.
Evidemment le visiteur indifférent ne remarquera rien de particulier en
traversant ce patelin foudroyé par ces averses lumineuses, mais l'esthète
attentif y percevra des merveilles uniques, jamais vues ailleurs. Les habitants
eux-mêmes sont insensibles à ces beautés célestes qui leur tombent sur le
dos.
Certes, ils sentent bien pourtant que de grandes choses soulèvent leurs
chapeaux, font briller leurs idées ternes, agitent leurs pensées plates... Mais
ils demeurent malgré tout fermés à ces éblouissements venus de si haut. Ils se
contentent de recevoir ce bien-être comme il vient sans chercher plus loin
l'origine de cette fraîcheur dans leur âme. Ils restent fidèles à ce qu'ils sont
avec leur regards parfaitement horizontaux.
Aussi apathiques dans leur bonheur passif que taciturnes dans leurs jours
plus sombres.
C'est également ce qui fait la spécificité de ce clocher peuplé d'hôtes
terreux, obscurs, rustiques.
Le charme de ces déluges de fièvre et de pluie sur cette contrée de bêtes
et de bornés consiste en l'éphémère mais fulgurante transfiguration de ces
derniers.
Là, le temps de la tempête de braises sur ce paysage du fin fond du monde,
tous ces bottés et crottés qui y stagnent deviennent beaux à mes yeux pleins de
finesse et d'acuité, même s'ils n'en ont nulle conscience.
Sous les éclairs estompant leurs traits rêches et sublimant leur quotidien,
ils ressemblent à des statues en toges, pétrifiées dans une vaste cathédrale aux
arcades de nuages et aux vitraux d'azur embrasés d'étincelles.
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