La lune me tira du lit.
Dans mon sommeil agité, je ne cessai de lui jeter des regards troubles. Il fallait bien que je succombe... C'était l'été, je fus bientôt sous les étoiles en pleine campagne, ahuri. Je m'égarai vers la sylve. Quelque volatile de nuit frôla ma tempe, mais je ne vis rien dans la nue. Rêveur, j'imaginai alors la caresse triste de Séléné sur mon front. Tout en songeant de la sorte, j'errais vers les bois. Autour de moi, un grand silence. Et moi, hagard, hanté par une présence astrale irradiante, douce et vénéneuse, je cheminais le regard divaguant entre sol et zénith, le pas alangui.
Étendant dans les airs son grand voile d'éther, le spectre semblait projeter sur le monde ses songes silencieux et blafards. L'ordre cosmique s'ébranla dans ma raison ensorcelée par l'astre : je me demandai si je ne faisais pas partie des fantasmes sidéraux imaginés par ce globe luisant... Dans ma somnolence je le crus un instant. Tel une silhouette née des rêves de cette face incertaine, un pantin d'ombre et de nuée issu de ce crâne argenté errant au firmament, j'eus l'impression d'appartenir à cette tête apathique glissant dans l'empyrée...
Puis, dans un grand vertige où je vis tournoyer les constellations, je perdis connaissance. Ou plutôt je sombrai dans une léthargie brutale et étrange. Je me réveillai avant l'aube, frissonnant parmi les herbes imprégnées de rosée.
Encore engourdi, machinalement je passai la main sur mon front. J'eus la sensation d'y essuyer un sang funeste ou quelque écume mystérieuse. Retournant mes doigts d'un geste fébrile, je vérifiai.
Une cendre dorée fit luire ma paume, furtivement, avant de se désagréger quasi instantanément en des milliers de particules étincelantes.