Je ne suis guère de ceux qui pensent mais de ceux qui volent.
La tête vide mais les ailes grandes ouvertes.
Je n’ai même pas le poids
d’un haricot et mes reflets dans l’eau ne valent pas un sou.
Les plus prestigieux philosophes me bassinent avec leurs oeuvres
immortelles qui ne m’inspirent qu’ennui et léthargie. Les plus illustres
penseurs qui pondent des idées noires à longueur de siècles ne valent pas un
souffle de mon haleine fraiche ni un sourire de mon âme toute bleue.
Je flotte telle une plume blanche dans la clarté du ciel.
Je suis une miette de vie, une poussière d’humain, une fumée dans le vent.
Certes pas grand chose aux yeux des augustes accoucheurs de savoir... Mais au
moins je plane, je monte, ne me prenant nullement au sérieux car totalement
dénué de plomb. Seuls les pesants raisonneurs sont graves et moroses.
Tandis que je suis clair et léger.
Ainsi qu'un papillon dans l’azur.
Loin des frelons noirs, je veux parler de ces esprits tourmentés, pénibles,
trop indigestes pour mon appétit du bonheur !
Riche de ma joie de vivre toute simple, je ne m’occupe pas des pensées
sévères du monde, des livres doctes et austères aux pages si lourdes... Je
respire l’air de l’allégresse sans m’embarrasser de ces poussiéreux trésors faits pour les morts.
Je suis un idiot ravi, un nigaud heureux, un angelot enchanté
d’exister.
Nietzche, Goethe, Pascal, Descartes, Kant, Marx, Heidegger, Spinoza, etc...
Quelle infecte marmite d’andouilles ! Quelle affreuse soupe de fous érudits ! Si
sûrs de leurs sublimes vérités et cependant si peu enclins aux amusements de
l’incarnation !
Si hauts dans leurs rêves, si bas dans leurs chaussettes !
Vus depuis mes
yeux d’ignare ingénu, ces pédants cerveaux brillent surtout des pieds. Voilà
de bien pompeuses ampoules éclectiques ! Des gens si profonds, si
impressionnants, si occupés à prendre de la place au-delà de leur ombre qu’ils
en oublient de cueillir l’instant présent et de humer la rose du jour.
Ou peut-être pas après tout... Auraient-ils honte, tous ces grands
hommes, de se montrer les égaux des galopins ? Préfèrent-ils se
cacher pour parler aux fleurs ou sont-ils réellement de pures statues pensantes,
de strictes pierres parlantes, d’âpres cailloux sur pattes ?
Ils se prétendent tous émetteurs de lumière avec leurs savantes réflexions
et pourtant leur bobine est sinistre, leurs allures sont raides et de leurs
cheminées cérébrales ne sortent que des volutes sombres qui opacifient le monde.
Et quand parfois ils l’éclairent quand même de leurs fumeroles de grands sages à
barbe et à pipes, rendent-ils plus heureux les êtres ?
C’est que, leurs connaissances et inspirations intellectuelles,
aussi capitales et élevées soient-elles, n’ont ni les grâces ni les ivresses de
mes ascensions d’éveillé.
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