Moi j’aime cracher sur les perdants et encenser les gagnants.
Je ne me gêne absolument pas pour adresser mon mépris aux déconfits, mon
admiration aux champions.
Je déteste ceux qui galèrent, je veux parler de ces minables qui
n’arrivent jamais aux sommets qu’ils convoitent, et lustre sans complexe les
bottes des autres, mes préférés, ceux qui réussissent, les collectionneurs de
lauriers, les vainqueurs, les rois.
Parce que la réussite appelle la réussite et l’échec engendre la ruine et
inspire la déconsidération, je cherche les loups et fuis les agneaux, flatte les
forts et injurie les avortons, aide les chefs de peloton et mets des bâtons dans
les roues des faiblards.
Publiquement je félicite les gagnants, les flagorne sans retenue, leur
chante les plus belles louanges, tandis que pour mieux les humilier aux yeux du
monde, j’enfonce de mon talon vengeur et impitoyable jusque dans les dernières
profondeurs boueuses de leur échec ces salauds de perdants.
Pas d’hypocrisie sur le fond : je préférerai toujours les gens fortunés aux
crève-la-faim, la richesse à la dèche, les intelligents aux sots, les premiers
aux derniers, les rires aux larmes, l’éclat à l’insignifiance.
Je profite systématiquement de l’ascension des chanceux pour monter moi
aussi, au lieu de les critiquer stérilement, méchamment comme le font les jaloux
et les sinistres imbéciles. Dès qu’un petit devient géant, même si la veille
encore je le blâmais sans état d’âme, je viens aussitôt me prosterner à ses
pieds pour le féliciter, le combler de glorifications, l’étourdir de
compliments.
La courbette est chez moi le moyen le plus efficace, le plus doux et le
plus intelligent de toucher les coeurs galvanisés par le succès.
La fourberie, la juste attitude que méritent tous ces seconds rôles dont
les oeuvres sont lamentablement vouées à la médiocrité.
Mais attention ! Malheur aux lions qui naufragent ! En ce cas, sans la
moindre indulgence et avec fracas j’étalerai contre leur face déchue ma semelle
méprisante, écraserai très durement leur visage contre la poussière de leur
perte afin qu’ils en goûtent l’âpre saveur.
C’est ainsi que je conçois mon élévation sociale et il n’est nullement
question de morale là-dedans mais bel et bien de moyens d’actions.
Seuls les éternels pleurnichards, c’est à dire les pigeons, me
condamneront.
Les autres, les aigles de haut vol, m’applaudiront.
VOIR LA VIDEO :
https://rutube.ru/video/53b287a2936e85e0871411233a425553/
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