La Blandine cache bien son jeu.
Petite sainte parfaitement innocente éprise de la religiosité la plus
liquoreuse, meublant sa tête vide avec les plus chastes pensées inspirées par
son missel, elle passe ses journées à tripoter les chapelets de son virginal
foyer et ses soirées à s’asperger du contenu du bénitier de l’église...
En réalité, monstre libidineux en proie à des fureurs utérines
incontrôlables, la Blandine ne songe qu’à se faire déflorer ses putrides
orifices par d’énormes chibres d’ecclésiastiques, ainsi que les oreilles par
d’irréligieuses et révoltantes obscénités en guise de sermon dominical.
A quarante-deux ans cette Lilith vêtue de blanc n’a connu que des fantasmes
salaces, au lieu d’hommes.
Il est à préciser qu’en termes d’appas cette oie sombre se résume en une
longue, sèche et redoutable ronce... Tout en os saillants, ce spectre femelle
est plus austère, glacial et anguleux qu’un crucifix d’acier.
Ce qui ne l’empêche nullement, l’infâme scélérate, l’impudente, la pauvre
folle, de revendiquer secrètement le droit d’accès au statut éhonté de putain du
curé !
Chez elle, tout n’est que pieuses icônes et sulpicien mobilier en directe
provenance de Lourdes.
Mais en grattant un peu on découvre l’insoutenable : derrière le portrait
officiel du pape, une estampe intime d’une écoeurante lubricité !
Sous la dentelle prude recouvrant la table de chevet où elle dépose chaque
soir son livre de messes, une interminable lettre pornographique manuscrite de
sa propre écriture, adressée à son évêque ! Des évocations sexuelles immondes,
des mots comme des blasphèmes, des rêveries érotiques outrageuses, une
imagination scabreuse pleine de corruption et de dérèglements. Une tempête
verbale d’une bestialité inouïe ! Un volcan de vitriol charnel miasmeux en
éruption après des lustres de frustrantes et venimeuses rétentions... La missive
est dans l’enveloppe déjà timbrée, prête à être cachetée et postée on ne sait
quand.
A l’intérieur même de son recueil de prières, soigneusement dissimulé entre
la couverture de protection et la page de garde, l’innommable : des dessins à la
ligne puérile, faits de sa main, représentant des caricatures de prêtres en
soutane (certains sont reconnaissables) aux sexes surdimensionnés en train de la
saillir dans les positions les plus déshonorantes... Elle s’est d’ailleurs
elle-même comiquement figurée avec des opulences imaginaires aussi indécentes
qu’irréalistes...
Mais de tous ces outrages aux moeurs, nul n’est censé s’offusquer car
l’essentiel est que l’hypocrite Blandine continue pendant encore des années à
sauver les apparences.
Laissons donc la sulfureuse Blandine s’immoler en silence dans ses rêves
interdits les plus doux.