A Clinchamp les félins sont maigres, sales, méchants, pas beaux.
Mal nourris, peu aimés, furtifs, ils vagabondent comme de gros rats à la
recherche d'on ne sait quels rêves à portée de leurs griffes. Réfugiés dans
l'ombre, ils fuient le jour et les gens comme des malfaiteurs.
Méfiants envers les humains, ils se cachent dans des trous, des herbes
hautes, des granges ou des greniers. Considérés par les habitants tantôt comme
des nuisibles, tantôt comme de simples intrus, parfois comme des amis douteux,
les chats de cette campagne reculée sont heureux malgré tout.
En ce lieu aussi improbable que propice, ils jouissent d'un bonheur suprême, précisément parce
qu'ils sont à l'écart de tout, loin du bruit, à l'abri dans l'oubli. Ils ne
demandent pas mieux. Le village pour eux est un cocon où ils jouissent de la
liberté des loups. Là, ils sont épargnés par la civilisation. Privés d'aliments
artificiels, préservés comme une espèce rare, ils avalent des oiseaux quand ils
le peuvent, dévorent des souris s'il en reste et se régalent de lendemains
difficiles.
Farouches, affamés, débrouillards, par la force des choses ils ont gardé
intacts leurs instincts de prédateurs. Et leurs moustaches n'attirent point les
enfants comme leurs congénères des villes, car eux, les fureteurs de Clinchamp,
ne sont pas mignons du tout !
Moi j'aime ces carnassiers à demi-sauvages qui miaulent de faim sous la Lune, se frottent sur les souches en quête de caresses, crachent sur les mains tendues... Ils ont le ventre vide souvent, le coeur plein de fiel envers leurs hôtes distants, et la fierté de leur race des oreilles jusqu'à la queue.
Ils se plaisent dans ce décor de siècle périmé, d'horizons brefs et de chemins perdus ! Ils se roulent sous les étoiles, terribles et insoumis, joueurs et féroces, prêts à sauter sur la moindre proie frôlant leurs crocs !
Ces petits fauves sont dans leur paradis là-bas, entre joies de leurs repas sanguinaires, âpreté de leur condition de vie et beautés des soirs baignés de paix champêtre.
Visiteurs, vous serez effrayés par leurs feulements nocturnes et, comme beaucoup, vous les prendrez pour des spectres quadrupèdes... Et sachez que cela ne se passe pas ailleurs au monde que dans ce coin précis que l'on pourrait appeler "nulle part" ou bien "le point culminant de l'inconnu".
Décidément, il se passe de drôles de choses dans cette commune de la Haute-Marne aux apparences si insignifiantes !
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