A Clinchamp, il n'y a rien à voir, rien à faire, rien à attendre.
Si ce n'est stagner, s'enterrer puis mourir.
Moi je vais dans ce royaume d'ennui pour y découvrir des vaches à faces
d'azur, des rats dans les nuages, des étoiles au fond des bois. Je me rends dans
ce gouffre d'immobilisme pour y gravir des sommets de clarté, moi l'esthète, moi
l'oiseau rare.
Je n'aime ce lieu excentré de l'Univers que parce qu'il fait fuir le
citadin, inspire l'inertie au touriste, attriste le visiteur formaté par ce
siècle : c'est au fond de cette cambrousse méconnue que je m'enrichis de
pissenlits, m'enivre de mares, m'abreuve de verdure, médite devant les bouses,
m'étonne de tout !
Comme si je me trouvais sur la Lune. Au coeur d'un pays lointain et
mystérieux où derrière chaque chose anodine jaillissent des flots de poésie,
tantôt désuète, tantôt lumineuse, parfois ténébreuse. Comme un mélange de ciel
et de poussière, la rencontre de la pierre et de la paille, de la brume et de la
flamme, de la terre et du vent.
C'est dire combien ce centre de toutes les pesanteurs dominicales, des terreuses langueurs provinciales, des pires déprimes hivernales et torpeurs estivales
recèle de merveilles insoupçonnées qui se révèlent aux éveillés, ces âmes
légères lassées des artifices et technologies de ce monde, se contentant de peu,
comblées par l'essentiel.
C'est-à-dire par un pré où rêver, un bosquet où se promener, un arbre où se
ressourcer, de l'herbe où s'étendre, un trou perdu où revivre.
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