Le soleil éclate de beauté dans l'azur, les oiseaux chantent dans les nues,
les nuages ressemblent à des rêves blancs, les gens qui m'entourent arborent des
visages radieux et pourtant mon âme sombre dans une étrange obscurité.
Le printemps me désenchante, la caresse de la brise m'afflige, l'air chargé
de joie m'ennuie.
Pour que fleurisse mon bonheur d'esthète au coeur de rat, j'ai besoin de
brume, de crépuscule, de profondeurs caverneuses. Les légèretés de ce mois de
mars avec ses aubes nouvelles pleines de fraicheur et de clarté me font l'effet
d'un deuil.
Je suis ainsi fait qu'un peu de lumière, deux ou trois pâquerettes,
quelques scènes de banale insouciance suffisent pour me précipiter dans un océan
de peine. Je ne sais pas pourquoi, mais les beaux jours sont pour moi des sujets
de déprime.
Je ne perçois la richesse de l'existence, ne ressens la chance d'être sur
Terre, ne me sais glorieux, n'espère des lendemains brillants que lorsque je me
retrouve dans les lourdeurs de la boue, sous les pesanteurs du ciel, au ras des
cailloux.
Mon bien-être est dans le gouffre de la solitude, l'ombre des heures
cafardeuses, le fracas de l'intempérie ou le silence de la glace.
Mais pas dans les ailes des papillons, les rues transfigurées par la belle
saison ou bien dans le rire des enfants. Tout cela au contraire me rend
triste.
Je ne me réjouis que dans les senteurs de caveau qu'exhale l'humus, les
plaintes lugubres que m'adressent les corbeaux, les noirs horizons et leurs
mortelles promesses, les ténèbres qui m'attendent le soir au fond des
bois...
Là sont mes vertiges.
Tout s'allume en moi dès que le monde s'éteint.
Et tout meurt à mes yeux tandis que resplendissent les matins
d'artifices.
Les premières douceurs printanières me rendent toujours mélancolique : les
dentelles de ces journées sans poids succédant à l'enclume de l'hiver agissent
sur moi comme un interminable dimanche dénué de saveur.
La fleur m'emmerde, l'épine m'enflamme.
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